Publié le mardi 02 septembre 2025
L'œuvre du mois de septembre
Édouard Boubat n’a pas encore trente ans lorsqu’il réalise cette photographie. Il vient tout juste d’être remarqué lors d’une exposition à la librairie-galerie La Hune, en 1951, dans laquelle, suite à une invitation de Robert Delpire, il expose aux côtés des grandes figures de la photographie humaniste : Robert Doisneau, Brassaï, Izis, et, le moins connu, Paul Facchetti. À la suite de cette exposition, Albert Gilou, directeur artistique de la revue Réalités, lui commande un portrait de la capitale parisienne à travers le prisme de ses artisans. Ce sera pour Boubat son premier grand reportage photographique et cette œuvre du mois en fait partie. Le photographe réalise des portraits d’inconnus dont l’identité ne persiste que par le métier qu’ils exercent, comme c’est le cas de cette jeune serveuse du Restaurant de l’Ancien Cocher absorbée par ses notes, indifférente à la présence du photographe. Prêtant attention aux gestes et aux attitudes, Boubat guette la poésie dans l’ordinaire et rend un hommage à celles et ceux qui font le Paris qui, aujourd’hui encore, continue de nous faire rêver.
Très tôt attiré par l’image, Édouard Boubat se forme à la photogravure à l’École Estienne entre 1938 et 1942, et travaille ensuite dans un atelier. En 1943, il est réquisitionné pour le Service du Travail Obligatoire en Allemagne, une expérience marquante qui influencera profondément sa vision du monde. À son retour en 1946, il vend de vieux dictionnaires pour s’acheter un Rolleicord et débute la photographie. Cette même année, il rencontre Lella, qui deviendra sa muse. Il porte sur la jeune femme, à travers son objectif, un regard tendre.
C’est avec cette même tendresse qu’il continuera de photographier, tel un « poète vivant dans un monde dont il avait la clé », selon les mots de Raymond Grosset, directeur de l’agence de presse photographique Rapho – que Boubat rejoindra en 1970 aux côtés de Robert Doisneau, Willy Ronis et Sabine Weiss. Parmi les moments marquants de sa carrière figure sa participation à l’exposition The Family of Man, organisée par Edward Steichen au MoMA. Boubat parcourra le monde en tant que photo-reporter, toujours en quête de cette beauté simple et singulière qui caractérise la photographie humaniste. Jacques Prévert le surnomme « correspondant de paix », en raison de sa manière de regarder le monde sans brutalité, ou du moins en cherchant inlassablement la poésie nichée dans le quotidien et chez celles et ceux qui croisent son chemin.
Le 3 juillet 1986, Édouard Boubat écrit : « Quand on me demande mon secret, je devrais répondre : Je chéris les commencements ; les matins de ciel bleu dans une ville étrangère ; une faim nouvelle. […] En poésie il n’y a ni commencement ni fin. Et la photographie partage ce privilège. Simplement la saisie de l’instant. […] Seulement des éclairs, des éclats de lumière. Une ouverture vers l’infini ». Peut-être que ces mots, dans le climat actuel, peuvent résonner au-delà de l’acte de photographier.