
Œuvre de juillet
En ce mois de juillet, c’est une photographie baignée de lumière estivale qui est mise à l’honneur. Si elle évoque la langueur de l’été, son histoire nous demeure inconnue – comme tant d’autres images muettes issues des archives familiales. Un auteur lui est attribué, John Ball, mais nos recherches sur celui-ci sont restées plutôt vaines. La femme photographiée demeurera donc, pour l’instant ou peut-être éternellement, la belle inconnue au chapeau photographiée, probablement, un jour d’été. Ce qui subsiste, c’est la beauté de cet instant suspendu : la voiture est à l’arrêt, la portière est ouverte, et la lumière papillonne délicatement sur une dame assise et tournée vers l’extérieur. Il y a tant d’inconnues dans cette photographie. Qui est cette femme ? Quel lien l’unissait au photographe ? Où allaient-ils, portés par cette voiture arrêtée le temps d’une pause ? Était-ce une halte furtive au milieu d’un long voyage ? Étions-nous au seuil de l’été, ou déjà dans ses derniers souffles ? Autant d’interrogations qui ouvrent la voie à l’imaginaire et suggèrent tant d’histoires.
Dans L’ironie du sort de Paul Guimard, le personnage principal feuillette un album de photographies de famille, il lui vient alors cette réflexion « L’essentiel de l’action se déroule pendant les entractes, dans les vides qui séparent les photographies. On ne voit que des tranches de vie, des biopsies séparées par des gouffres de temps. Entre deux regards, il y a parfois l’épaisseur de plusieurs années qu’on franchit en une seconde […] ». On ne peut lui donner tort. Il ajoute plus loin, toujours en regardant la vie qui palpite entre les pages cartonnées de l’album, « il faut incroyablement peu de photographies pour résumer une vie ». Peut-être, en effet. Mais elle se résume alors souvent en de « grands moments », ceux qu’on élève au rang du souvenir et que l’on consigne dans l’album.
Pourtant, il y a tous ces instants en creux dont cette photographie est le témoignage. Un moment suspendu, où le regard du photographe a pu capter la beauté discrète de l’instant. Faisant preuve d’une sensibilité à la lumière, à la poésie du quotidien, à ce qui échappe souvent à l’œil distrait ou qui ne prend le temps de regarder. Peut-être que malgré son apparente simplicité, cette image n’est pas aussi spontanée qu’elle le semble. Peut-être a-t-elle été pensée, composée voire jouée. Mais qu’elle soit un instantané ou une mise en scène, elle témoigne avant tout d’un regard attentif à l’éphémère.
Dépourvue de légende et de son histoire, cette photographie se contente d’exister, dans la délicatesse de son silence, elle saisit et transmet avant tout une atmosphère. Et comme un éclat d’été, fragile et lumineux, elle nous échappe quelque peu.