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Publié le jeudi 15 octobre 2020

Sous le signe de Janaqueo.

Janaqueo est une combattante mapuche épouse du chef Huepotaén qui livra combat contre l’envahisseur espagnol en 1587.
Parmi toutes les photographies réalisées par Sarah Joveneau dans sa série Piel de Lucha, celle-ci est la plus mystérieuse à différents égards.
Technique tout d’abord, une photographie carrée avec une lumière inégale, un vignettage et une diffraction. L’inégalité lumineuse divise le cliché en deux tiers, un tiers. Un côté ayant été plus exposé que l’autre. Si le vignettage est utilisé aujourd’hui pour attirer l’attention sur un sujet au centre de l’image, il est au début de la photographie le résultat d’un défaut optique. La diffraction quant a-elle apporte du flou à l’image à différents endroits avec quelques éléments nets. Tous ces « défauts » proviennent de l’optique. L’utilisation d’un appareil ancien ou d’une optique défaillante devient une évidence. Si Sarah Joveneau n’utilise pas un sténopé, elle fait appel à un modèle d’appareil Olga 120 à lentille plastique qui donne à ses images un traitement ancien pour mettre en avant un sujet contemporain et leur donne ainsi une résonance intemporelle.
Le sujet central ensuite se trouve mis en avant par ces défauts techniques, devenu force de composition. Dans un champ, une personne en tenue longue, tablier et blouse sombres bordés de blanc, un collant lui couvrant l’ensemble de la tête, tient un plateau « Art politique dépolitisé » qui résume à lui seul toute la démarche de la photographe et de celle qui le porte.


La photographie est une allégorie, elle recèle de nombreux symboles. La tenue traditionnelle Mapuche liée à l’oppression et la persécution de ce groupe ethnique chilien durant la dictature. Le collant couvrant le visage évoque un porte-voix anonyme dont le genre et l’identité ne sont pas définis puisque rendu flou à nos yeux. Le plateau référence au bouclier antique et donc au champ de bataille. L’inscription renvoie aux artistes concernés par l’état du monde en leur permettant de s’émanciper de la politique des institutions officielles. La portée politique de l’œuvre est indirecte permettant aux artistes de réexploiter des supports généralement dévalorisés et exclus de la sphère artistique et d’explorer des thématiques largement passées sous silence

photo article

Piel de Lucha © Sarah Joveneau