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Publié le vendredi 28 avril 2023

Œuvre de mai

Laure Albin Guillot compte parmi ces artistes célèbres de leur vivant et dont le temps a effacé la mémoire. L’exposition Laure Albin Guillot : l’enjeu classique organisée par le Jeu de Paume à Paris en 2013, l’a remise à sa juste place, celle d’une femme artiste, indépendante, entrepreneuse et prenant sa part au sein du monde artistique de son époque. Mariée à Albin Louis Célestin Guillot en 1897, elle créera sa signature d’artiste « Laure Albin Guillot » à partir de son nom. Elle développe sa pratique photographique dans le courant des années 1920, à la fois par goût artistique et par nécessité financière. À la fin de la décennie, elle ouvre un studio dans le quartier parisien du Ranelagh dans le 16e arrondissement. Outre les portraits studio, elle produit des images pour la publicité. Ses aspirations la portent également vers la photographie de nus et vers des essais artistiques telles ses microphotographies. Se revendiquant du statut « d’artiste décorateur », Laure Albin Guillot fit partie de leur Société. Elle fut aussi membre de la Société française de photographie, directrice des archives photographiques de la direction générale des Beaux-Arts (futur Ministère de la Culture français) et, enfin, première conservatrice de la Cinémathèque Nationale. Ce parcours, elle le doit à son talent photographique, sa haute technicité reconnue par tous, mais également à sa capacité à entretenir son réseau de connaissances. Elle se retire petit à petit de la vie active vers la fin des années 1940 et quitte Paris en 1956 pour rejoindre la Maison nationale des artistes à Nogent-sur-Marne. Son fonds d’atelier est conservé aujourd’hui par l'Agence d'archives photographiques Roger-Viollet et comprend quelque 50 000 négatifs et 20 000 tirages anciens.

Cette énorme production est notamment due à sa notoriété de portraitiste. Il y a un « style » Albin Guillot et les gens se pressent à son studio, tant les anonymes que les célébrités. Sa « patte » est visible dans la photographie de cet homme à la cigarette : le décor est dépouillé, la profondeur de champ réduite, les contours sont diffus, le plan est rapproché. Elle est également connue pour faire des portraits à l’avantage des modèles, gommant les défauts par les ombres, soulignant les regards, sculptant les traits à la lumière poudrée. Ses séances de pose sont courtes, elles durent, au plus, vingt minutes. Outre les portraits, les corps nus la fascinent. Suivant les mêmes caractéristiques esthétiques que pour ses portraits, Laure Albin Guillot réalise de nombreux nus. De cette anatomie humaine, qu’elle a énormément photographiée, elle garde une fascination pour les mains. Le portrait de l’homme à la cigarette est, à nouveau, un excellent exemple de cet aspect de son travail. Sa main, à l’avant-plan, apparait dans un halo de lumière, se dessinent alors la finesse des doigts, la fausse nonchalance de la pause, l’index qui souligne la lèvre supérieure du modèle et qui nous mène directement à ses yeux. Car si l’avant-plan est construit autour de la main, le second laisse toute la place au regard dont l’effet pénétrant est obtenu par l’opposition des effets de lumière et d’ombre et par le travail d’accentuation opéré sur les sourcils, les paupières et par la petite touche lumineuse des iris. Cette image témoigne du subtil talent de portraitiste de Laure Albin Guillot, un talent amplement reconnu de son vivant et que le travail des historiens a permis de remettre en lumière.

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Laure Albin Guillot, (France, 1879-1962), Portrait d’homme à la cigarette, 1934. Épreuve à la gélatine argentique, tirage d’époque signé, 29,1 x 39,3 cm. Coll. Musée de la Photographie à Charleroi MPC 84/916.
© Laure Albin Guillot / Roger-Viollet