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Publié le mardi 01 juin 2021

Œuvre de juin

Personnage discret, Georges Thiry n’a jamais voulu prendre trop de place, même en tant que photographe. Autodidacte, il appréciait laisser « flâner son œil au rythme de ses pas » – comme le souligne André Stas. De Verviers, sa ville natale, à Bruxelles où il exerçait comme fonctionnaire, Georges Thiry a accumulé un grand nombre d’images au hasard de ses errances. Si les sujets de ses photographies sont variés : scènes de rues ou de genre, fêtes foraines ou marchés, quartiers en construction ou en démolition, enseignes ou affiches… c’est en tant que portraitiste qu’il se démarque le plus. 
 
Entre les années quarante et soixante, Georges Thiry réalise de nombreux portraits de ses amis (et de leurs amis) des milieux artistiques et littéraires belges, essentiellement. Ses sujets – cadrés principalement de la même façon, en pied – sont généralement intégrés dans un décor (paysage ou intérieur) présent mais peu ostensible. Réalisées au Rolleiflex, ces photographies vont au-delà du simple portrait. Dans un lieu qui leur est familier et quelquefois dans des mises en scènes ou saynètes humoristiques, les amis de Thiry prennent « la pose ». Ils sont arrêtés et ont conscience d’être photographiés. C’est le cas dans cette œuvre du mois, où se tiennent sur le pas d’une porte le peintre intimiste Maurice Pirenne et le critique et poète André Blavier. Touchant portrait – quand on connait l’amitié qui liait les deux artistes (également verviétois) – il donne une impression de spontanéité, comme si Thiry était tombé sur eux au hasard de ses promenades. Les deux amis fixent l’objectif de Thiry avec un regard complice. Comme fréquemment dans ses portraits, on peut facilement percevoir toute la tendresse de l’œil de Thiry, laissant deviner une certaine admiration pour ses sujets. 
 
Même s’il les fréquentait de près, Thiry ne s’est jamais considéré comme un artiste ; toujours un peu en retrait, à signer ses textes sous un pseudonyme. Il relatait souvent que c’est l’intérêt pour le dessin qui l’a mené à la photographie : « Quand je photographie, je vois toujours un dessin ». Il avait finalement pris pour habitude de se définir discrètement comme un « photographe poète ». Il est indéniable que Thiry était un photographe – avec d’ailleurs une belle maitrise de la lumière – mais ses images proposent également une sorte de poésie. Cette poésie nous semble davantage présente dans ses portraits de prostituées. Avec le même respect et attachement que celui qu’il témoigne lorsqu’il photographie les artistes, il dresse le portrait de ces dames – presque des amies, des confidentes – qu’il avait pour habitude de fréquenter. Des portraits d’une infinie tendresse souvent empreints d’humour, dévoilant une confiance mutuelle et une touchante sincérité, bien loin d’un quelconque voyeurisme. 
Georges Thiry ne laisse derrière lui que des bribes d’informations éparses, une correspondance irrégulière, quelques carnets de notes mais surtout une production de 40 000 photographies, presque autant de contacts et un petit nombre de tirages aux bords dentelés. Ses images n’étaient que peu destinées aux domaines artistique, commercial ou journalistique, elles étaient plutôt de la sphère du privé. Confiées à son ami Guy Jungblut – qui a ensuite décidé de les proposer au Musée de la Photographie – ses images sont les témoins d’une époque, du milieu artistique d’un temps, mais surtout un riche témoignage empreint d’une très grande humanité.


La personnalité de Georges Thiry et ses travaux photographiques sont à (re)découvrir dans le livre – disponible dans notre bibliothèque –  « Georges Thiry, la photographie … et autres petites passions » publié aux Editions Yellow Now en 2001 – date à laquelle le Musée de la Photographie proposait également une grande exposition dédiée au photographe. Quelques-uns des tirages réalisés pour l’occasion sont visibles dans le parcours permanent du musée. 

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