Publié le vendredi 01 août 2025
L'œuvre du mois d'août
Il s’agit d’une image presque anodine, sans sujet fort ou situation inédite. Une image du quotidien qui suspend l’éphémère. Car quoi de plus évanescent que des bulles de savon ? Quoi de plus fugace qu’un moment d’attention commune ? Et quel médium plus propice à le capturer que la photographie ? S’il est une chose nécessaire pour la création d’une telle image, excepté l’instant, c’est le regard du, ou de la, photographe. Et cet œil, ce regard posé sur la réalité, Helen Levitt le possède sans aucun doute possible.
Née à New York en 1913 et décédée dans la même ville en 2009, Helen Levitt parcourt ce siècle de grands bouleversements son appareil à la main. Au début de sa vie d’adulte, elle rejoint un studio commercial à Brooklyn où elle apprend les bases techniques de la photographie. Une rencontre avec le photographe français Henri Cartier-Bresson la mène à côtoyer les cercles photographiques auxquels elle aspire appartenir et devient, entre 1938 et 1939, assistante du photographe américain Walker Evans. Cette proximité avec l’un des photographes des commandes de la Farm Security Administration (FSA), ce programme gouvernemental destiné à documenter les conditions de vie misérables de millions d’américains, aura sans doute également nourrit l’approche sociale de Levitt. Outre cette influence, ces années sont aussi celles où elle forme son regard par la visite d’expositions photographiques et artistiques. Très rapidement, son talent est reconnu et en 1943 ses photographies sont exposées au MoMA sous le commissariat d’Edward Steichen.
Ses images, elle les produit principalement dans les quartiers populaires de la ville de New York. Lieu de grand métissage culturel, New York est une ville d’immigration. Les rues, et les gens qui les peuplent, retiennent l’attention de Levitt et en ce sens elle rejoint pleinement le courant de la « street photography » dont elle devient une référence. En 1948, elle réalise entre autres le film In the Street où sa pratique fixe de l’image semble s’animer. Ces espaces urbains qui lui sont chers sont notamment le théâtre des jeux des enfants, qu’elle a abondement photographié. Elle les capture dans leurs moments de détente, de rire, de sérieux ou de travail quelquefois. Si certains ont écrit sur l’esthétique des images de la photographe, Helen Levitt rappelait souvent que cette beauté était dans la réalité même. Telle l’œuvre du mois qui montre un extrait de vie aussi ténu et délicat que les bulles de savon qui le compose.