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Publié le vendredi 30 septembre 2022

Œuvre d'octobre

La forêt de Brocéliande est célèbre pour ses légendes féériques et son imaginaire arthurien. La jeune Pauline, au milieu de ce décor boisé au travers duquel papillonne la lumière, semble émaner d’un conte des frères Grimm. Aussi enchanteresse que maléfique, la forêt confère à la fillette les allures d’un petit chaperon rouge égaré ou d’une Gretel dépourvue de ses cailloux blancs. Instant incertain où l’innocence (s’) échappe, à la lisière du fantastique et du cauchemardesque.

Cette limite entre l’apaisant et l’inquiétant, entre la douceur et la rudesse, la sérénité et l'effroi, Hugues de Wurstemberger en joue habilement. Prenant à rebours l’imagerie familiale où l’on ne conserve que le beau et le rassurant, le photographe d’origine suisse s’est attaché à fixer durant dix-huit années le quotidien de ses enfants, Pauline et Pierre, et de ceux qui font leur monde. Un monde empli d’instants délicats et teintés de bonheur mais aussi de moments où le temps blesse.

Conte intemporel, récit autobiographique, album fictionnel, la série (et le livre éponyme) Pauline et Pierre – dont est extraite cette œuvre du mois – questionne le territoire du temps et de la mémoire familiale. Elle est le regard tendre et amusé d’un père sur l’enfance, dans ce qu’elle a de naïf et de touchant mais également d’insaisissable. Accordant une place de choix au paysage, au lien qui lie l’humain à son territoire, Wurstemberger décrira cette série en ces mots : « Dans le coma de ma salle obscure, cet herbier monté, coupé et remonté se projette comme un vitrail, au hasard de la lumière et du temps, au travers de lieux où nous avons vécu et sommes passés sans laisser d’autres traces que nos ombres au sol […] ».

Photographe discret, Hugues de Wurstemberger s’est formé à l’école d’art « Le 75 » à Bruxelles où il reviendra en tant qu’enseignant. Il se fait connaître par le journal photographique de ses rondes de nuit au sein de la garde suisse pontificale au Vatican. Il porte un intérêt particulier au quotidien et à l’intimité de populations oubliées, en voie de disparition, ou frappées par la perte de leurs territoires. Membre de la première heure de l’agence Vu, Wurstemberger figure parmi ces photographes qui transcendent l’anecdote et subliment le quotidien.

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Hugues de Wurstemberger, Pauline, Forêt de Brocéliande, 1989, de la série Pauline et Pierre, 1979-2001, Bretagne. Épreuve à la gélatine argentique, tirage d’époque, 42 x 42,3 cm. Coll. Communauté française de Belgique, dépôt au Musée de la Photographie